Séance 4 : « No Country for Old Men: Age in the American Republic. », Matthew Redmond, 10/02/2022.

Docteur et enseignant du département d’Anglais de l’Université de Stanford, Matthew Redmond effectue des recherches sur la littérature du XIXe siècle, en mettant l’accent sur la biopolitique, les théories de l’influence et la trans histoire littéraire. Son travail a été notamment publié dans The Conversation, ESQ et The Edgar Allan Poe Review.

Dans cette séance conjointe avec le séminaire Politique de la littérature (CECILLE) la communication de Matthew Redmond, également spécialiste d’age studies (études sur l’âge), portait sur la manière dont la littérature du XIXe siècle représentait le vieillissement de la nation ainsi que le vieillissement de sa population et plus particulièrement la relation entre ces deux thématiques. Après avoir examiné tout d’abord les thèses portant sur la notion d’âge aux Etats-Unis, Matthew Redmond s’est ensuite penché sur le roman de James Fenimore Cooper (1789-1851), Les Pionniers (1823), œuvre qui symbolise le lien entre les deux notions étudiées. En d’autres termes, cette présentation visait à montrer comment la littérature associait la longévité de la République américaine à celle de ses habitants.

Matthew Redmond distingue deux catégories de pensée parmi les intellectuels de l’époque. Le premier  de ces courants se prononce en faveur d’une succession des générations. On peut citer ici l’éducatrice Emma Willard (1787-1870) et le troisième président des Etats-Unis, Thomas Jefferson (1743-1826) qui affirment tous deux que seule la succession d’une nouvelle génération permettra à la République de subsister. En adaptant la République à l’image de la société dans laquelle elles vivent, les générations futures s’affranchissent des mesures tyranniques du passé. Jefferson va encore plus loin en proposant que la constitution soit modifiée tous les vingt ans afin de convenir aux réalités de l’époque. Cette opinion s’oppose à celle qui s’inquiète du fait que ces générations ne se succèdent pas au bon moment et qu’elles restent trop longtemps, comme l’expliquent le philosophe et homme politique Nicolas de Condorcet (1743-1794) et l’économiste britannique Thomas Malthus (1766-1834). À la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, l’accumulation de connaissances permet d’accroître la durée de vie de la population, cependant des espérances de vie plus longues ne feraient selon eux qu’exacerber les problèmes sociétaux comme la pauvreté et la misère.

Le roman de James Fenimore Cooper, Les Pionniers, est révélateur de ce lien entre la longévité de la société américaine et celle de ces habitants. L’ouvrage s’inscrit dans une série de cinq romans historiques suivant le parcours de Natty Bumppo (aussi appelé Leatherstocking). Dans cet épisode, Natty Bumppo est maintenant un vieil homme qui vit dans la forêt avec son ami natif américain sur une terre devenant progressivement une propriété des colons. Matthew Redmond insiste sur cet exemple, car Natty Bumppo est l’un des rares personnages de la littérature américaine à avoir son existence définie par l’âge, qu’il ne manque pas de rappeler à plusieurs reprises tout au long du récit grâce à son emploi du présent parfait. Selon Matthew Redmond, la longévité de Natty Bumppo permet de souligner la manière dont la vieillesse peut perdurer dans une jeune nation.